Les Carnets Ludographiques #16 : L’Enquête – 3/3

La troisième et dernière partie de ce gros podcast, qui traite finalement…

  • les problèmes récurrents des scénarios d’enquêtes, de l’inadéquation des PJ ou des joueurs aux questions de rythme et de compréhension,
  • les manières de simplifier et ajuster les scénarios en cours de jeu,
  • la méthode de l’investigation et son application en jeu,
  • comment apprendre à enquêter,
  • la logique interne des histoires d’enquête, les questions de cohérence mais aussi de perception des univers fictifs (même lorsqu’ils se veulent réalistes)…
  • de multiples variantes du jeu d’enquête : les intrigues & manigances, jouer des criminels-enquêteurs (intrusion, surveillance, assassinat…),
  • le cas particulier des enquêtes magiques (ou super-technologiques),
  • quelques jeux publiés et les différentes manières dont ils abordent le gameplay d’enquête…

Notre numéro d’avril abordera -avec Le Grümph- le découpage de scénarios et la question subséquente des choix des joueurs : d’ici là, n’hésitez à nous poser vos questions (sur l’enquête ou le découpage) dans les commentaires !

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31 réflexions au sujet de « Les Carnets Ludographiques #16 : L’Enquête – 3/3 »

  1. Humphrey B.

    Alors, déjà bravo et merci pour ce numéro très complet : c’est vraiment passionnant. Je me retrouve dans beaucoup des éléments évoqués. Par exemple, je te rejoins complètement sur le fait que la grande satisfaction des scénars d’enquête, c’est cette « épiphanie » où un joueur additionne deux et deux et où tout s’emboîte dans sa tête. C’est une forme de plaisir qui n’est pas si courante que ça en JdR.

    Je te rejoins aussi sur la distinction entre la « fausse » et la « vraie » enquête, même si je ne suis pas tout à fait certain d’y ranger les mêmes choses. La « fausse » enquête, c’est l’enquête prétexte, l’enquête fermée. Il n’y a pas cinquante façons d’arriver au bout et on est prié de bien suivre les pointillés par qu’en dehors de la ligne il n’y a rien à voir. La « fausse » enquête ne peut pas et ne doit pas dérailler, car elle n’est que prétexte et prolégomènes à autre chose, qui est le vrai enjeu de la partie. En revanche, la « vraie » enquête signifie que l’enquête est l’enjeu de la partie : elle est ouverte, elle peut dérailler, échouer, ou partir dans des directions imprévues. Dans une vraie enquête, les indices sont cachés et il faudra secouer le cocotier pour les obtenir, dans ce qui est bel et bien une exploration.

    Il n’y a qu’un point où je ne vois pas où tu veux en venir. Tu te moques à un moment des scénarios d’enquête où « il y a de l’aléatoire » pour mener l’enquête. Tu fais ensuite une comparaison, à mon avis bancale, avec « un épisode de NCIS où le personnage lancerait une pièce en l’air pour savoir s’il trouve le truc ou pas ». Ce que tu appelles un « moteur aléatoire », moi j’appelle ça un système de résolution qui permet de tester les capacités du personnage. Certes, la plupart des systèmes de résolution utilisent des dés, mais en aucune façon cela ne peut être assimilé à tirer à pile ou face. Est-ce que tu considèrerais de la même façon que les combats sont tirés à pile ou face si y on lance des dés ? Pourtant, les enjeux d’un combat peuvent être aussi, sinon plus, importants que ceux de l’examen d’une trace de pas. D’autant plus que tu expliques ensuite par le menu comment le fait de rater une piste ou un indice n’est absolument pas un problème, à condition d’avoir un scénar proprement construit. Bref, il y a probablement quelque chose que je n’ai pas compris.

    Ah, et pour les statistiques de Radio Rôliste : ce numéro a accompagné la préparation et la dégustation d’une quiche aux poireaux, et l’ouverture d’une bouteille de Bourgogne blanc – hélas bouchonné.

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    1. Humphrey B.

      Oh, et j’oubliais. A mon avis, dans une enquête, il est essentiel de s’appuyer sur les idées et les propositions formulées par les joueurs. C’est ce qui permet de rebondir sur les échecs et les éventuelles impasses.

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    2. Sébastien Delfino

      En l’occurrence je me moquais (et me moquerais encore) de deux choses à la fois…

      Premièrement, de résolution strictement aléatoire, c’est à dire des très nombreux jeux où l’on a aucune influence sur ses chances de réussite (y compris le Basic RPG, au nom duquel tu as été un tantinet agressif avec Zerith dans les commentaires de la première partie). Mais il peut « y avoir de l’aléatoire » dans un système de résolution sans qu’il soit entièrement hasardeux : il suffit que les joueurs puissent influencer les dés… J’ai déjà dit souvent que, si les joueurs n’ont pas de prise sur le résultat de leurs actions, ce n’est pas du jeu mais de la loterie : je persiste, et j’ai même enfoncé le clou dans le segment ‘Mécanique’ du prochain RR, où je parle de gameplay (à paraître vers le 15 mars). Le fait que ce genre de systèmes soient encore plus dommageables aux combats n’est alors pas un argument en leur faveur, loin de là…

      Deuxièmement, je soulignais la nécessaire gestion de l’échec en me moquant, du même geste, des scénarios de séries comme CSI qui reposent sur le fait que les protagonistes réussissent quasiment tout. C’est la convergence de ces deux faiblesses que, dans la deuxième partie, j’appelais « la manière la plus courante de concevoir des scénars d’enquête et qui pourtant ne marche pas » : motoriser des intrigues qui nécessitent la réussite avec une résolution aléatoire qui, statistiquement, va produire des échecs.

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      1. Humphrey B.

        Je suis profondément en désaccord avec ton premier point. Ce n’est en rien une loterie, puisque le résultat dépend des capacités du personnage. Il y a, à mon avis, une différence fondamentale entre « pair tu réussis, impair tu rates » et (par exemple) lancer attribut + compétence contre un seuil. De plus, le joueur influe bel et bien les choses, puisque c’est tout de même bien lui qui répartit ses points de capacités. Si un joueur ne met pas de points en criminalistique, il peut difficilement se plaindre s’il rate tes jets. Bien sûr, il y a les systèmes qui te permettent d’influencer le jet de dé lui-même, mais (i) ça n’enlève en rien la dimension aléatoire (même si tu relances les dés, ou mise tous tes points, tu peux quand même rater) ; et (ii) c’est une vision des choses, un choix de design, avec lequel on peut parfaitement être en désaccord parce que ça ne correspond pas à l’ambiance qu’on veut rendre.

        Sur le second point, je comprends mieux et nous sommes d’accord : si tu veux faire quelque chose « à la CSI », les personnages doivent pouvoir réussir à tous les coups. Mais c’est de la « fausse » enquête, et ce n’est pas vraiment ce qui m’intéresse (ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas bien, naturellement).

        Tout ceci me donne envie de te proposer un prochain thème : gérer les échecs dans une partie de jeu de rôle – depuis le jet de dé raté jusqu’à ce qu’on appelle parfois « rater le scénar ». C’est quelque chose dont tu as déjà un peu parlé en passant dans certaines émissions, mais j’ai l’impression qu’il y a encore pas mal à dire.

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        1. Sébastien Delfino

          Mais à la loterie aussi tu choisis tes chiffres. 🙂

          Si l’on considère que le joueur influence ses chances de résultats en déterminant sa fiche, et apparemment seulement là, alors ça veut dire qu’il ne le fait que lors de la création et, par petites touches, les fois où il touche du pex. Autrement dit, pas du tout pendant les scénars eux-mêmes : c’est pourtant bien là que se déroule l’essentiel du jeu, c’est là qu’on fait des choix, c’est là qu’on affronte l’adversité, qu’on gagne, qu’on perd, qu’on se sauve la mise… Mais sans rien y pouvoir mécaniquement sur le moment : sans pouvoir s’efforcer, négocier, risquer ni sacrifier quoique ce soit, bien souvent sans pouvoir faire de choix stratégique ni apprendre à ‘mieux’ jouer, sans réel gameplay, en fait, en dehors de lancer des dés.
          Si tu t’en satisfait, grand-bien te fasse, mais je ne crois pas que quiconque accepterait d’un RPG-vidéo ou d’un jeu de plateau de n’y avoir pour seule influence que de faire quelques choix au début et de ne plus faire que lancer les dés pendant toute la partie, si ça se trouve pendant toutes les parties à venir.

          Personnellement, j’attends un peu plus d’un jeu…

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          1. Humphrey B.

            N’aurais-tu pas l’impression de caricaturer un brin ? Genre, il y aurait ceux qui jouent au bingo d’un côté, et puis les vrais rôlistes épris de gameplay de l’autre ?

            Certains jeux ne proposent pas de mécanique pour influencer la mécanique. Certes. Cela ne veut pas dire que les joueurs n’ont aucun moyen d’influencer celle-ci. Parce qu’en général, la façon dont le joueur aborde un problème conditionne et influe le jet de dé. Même chez les joueurs de bingo dans mon genre, s’y prendre intelligemment, ou donner de bons arguments, donne des bonus significatifs à son action. Je ne vois pas en quoi cette approche, parce qu’elle n’implique pas de bouger des points sur une fiche de perso, serait moins « stratégique », ou moins riche en choix pour le joueur, que celle que tu défends.

          2. Sébastien Delfino

            Non, Humphrey, je n’ai pas du tout l’impression de caricaturer, plutôt que tu surinterprètes.
            D’abord parce que, contrairement à ce que tu insinues, je ne m’en prends pas aux joueurs : je critique la mécanique des jeux qui ne font pas vraiment l’effort d’offrir un gameplay. À nouveau, tu le prends comme une offense personnelle parce que ça met en cause ton jeu d’enquête préféré. Mais je ne t’attaque pas, moi : je cause de JdR. 🙁
            Pour être complètement exact, je crois que ce qui t’énerve c’est que, si j’ai raison, ça risque de te gâcher une partie du plaisir que tu prends à utiliser ton cher BasicRPG. Tu m’en vois désolé, mais ça ne signifie pas ni que j’ai tort, ni que je suis responsable de ton éventuelle perte de plaisir : je n’ai pas fabriqué la situation que je décris, je me contente de la souligner.

            Et ce que j’en dis est simplement logique, mais c’est long (attention : pavé).
            Je me contente de dérouler les conséquences d’un principe (souvent discuté en ta présence dans mes parties, maintes fois énoncé dans les Carnets… et développé dans le prochain RR). Ce principe est que la mécanique de jeu repose sur trois fondamentaux : un objectif (le « but du jeu »), une difficulté à l’atteindre et des moyens, pour les joueurs, de vaincre cette difficulté. C’est dans la mise en œuvre pour les joueurs de ces trois éléments que réside le gameplay : ce qu’on veut faire, ce qui nous en empêche, ce qu’on y peut. (Si tu n’es pas d’accord avec ça, je vais te demander de démontrer le contraire. Si tu me l’accordes, par contre, la suite va faire sens…)

            En JdR, il est comme toujours important de bien distinguer ce que peuvent le personnage d’un côté (et il peut faire un paquet de trucs) et le joueur de l’autre… Ici, je m’intéresse donc aux possibilités offertes à celui qui joue. Et la question est : quand l’action du joueur se résume à faire des choix et lancer les dés (c’est pas l’unique moteur aléatoire, mais c’est de loin le plus courant), quel gameplay est-ce que ça génère ?
            Les choix sont d’ailleurs importants, et même essentiels en JdR : c’est cette liberté qui fonde une grande partie du loisir. Mais comment ces choix sont-ils mis en œuvre ? Question de première importance car, et je m’excuse auprès des portes ouvertes, un choix n’a de valeur que si on peut effectivement l’appliquer. Et comment appliquons-nous nos choix dans la plupart des JdR ?
            En lançant des dés.

            Ce qui nous ramène, selon un angle plus clair, à la question de départ : quel gameplay existe en JdR, donc quelle influence donne-t-on aux joueurs sur ces dés ? La réponse habituelle est qu’on peut donner des modificateurs aux actions selon la manière dont le joueur les décrits.
            Oui, on peut. Mais qui peut ?
            Est-ce que c’est le joueur qui décide de lui-même qu’il va prendre un air innocent et un ton balbutiant pour que son interlocuteur baisse sa garde, obtenant ainsi un +20% à son jet de Baratin ? Parce que, honnêtement, si c’était le cas, ce serait indéniablement un vrai gameplay cohérent, mettant manifestement en œuvre les choix du joueurs et traduisant mécaniquement les multiples possibilités que le médium prétend offrir à son personnage. Ça marcherait si tous les aspects du jeu (explo, enquête, interaction sociale, truande, etc.) bénéficiaient -logiquement- d’une large gamme de modificateurs variés et pointus, strictement énoncés par les règles de jeu et donc connues de tous, dans de multiples tables mises à la disposition des joueurs et parmi lesquelles ils pourraient choisir eux-mêmes pour exercer ce fameux gameplay.

            Sauf que, malheureusement, ce n’est pas comme ça que ça marche.
            Parce que lorsqu’un système comme le BasicRPG, D&D, COPS etc. mentionne les modificateurs, il leur accorde au mieux une petite page, en fait rarement plus d’un ou deux paragraphes (sur des dizaines ou des centaines de pages de règles : déjà, c’est un indice). Et cette fraction du système dit presque toujours la même chose : « le MJ peut accorder des modificateurs, voici deux exemples ». Aïe : c’est là qu’est l’os.

            D’abord, si l’influence des joueurs sur les dés est -dans la grande majorité des jeux- la véritable mise en œuvre du gameplay, et si les modificateurs sont l’unique application de cette influence, il est carrément étrange qu’ils occupent une toute petite fraction du système et de son poids de texte. C’est, sans exagération, comme si on disait que le lancer étant l’essentiel du gameplay des fléchettes, on va pourtant lui accorder moins d’attention qu’à la cible, la forme de l’empennage ou même la pression atmosphérique : c’est une grave négligence.
            Pour autant, certains de ces modificateurs sont, eux, largement détaillés et développés dans de nombreux systèmes, prouvant par là que c’est bien là que réside leur gameplay. Ces modificateurs-VIP sont ceux du combat : élévation, force, distance de tir, mouvement des cibles, dommages, encombrement et protection des armures… d’un seul coup, c’est le carnaval des modificateurs ! Wahou !
            Là, je vous épargne une longue analyse d’une part des enjeux ludiques principaux de multiples jeux « à succès » et des actions qui y occupent l’essentiel du temps de jeu, d’autre part la gamme de modificateurs que ces jeux offrent aux joueurs pour effectivement exercer le gameplay théoriquement correspondant : en bref, ça le fait pas du tout, mais je peux détailler pour ceux que ça intéresse (j’ai passé du temps à vérifier).

            Ensuite, en dehors du combat (ahem), ces modificateurs sont-ils effectivement accessibles aux joueurs ? Puisque c’est bien là tout le gameplay qu’on leur offre, puisque ce devrait être la mise en œuvre de leurs choix ludiques, peuvent-ils eux-mêmes déterminer quels modificateurs appliquer à leurs actions ? Ne serait-ce que, comme dans le combat (décidément), en méritant ces modificateurs par la description détaillée de leurs actions, via des règles claires et connues de tous ?
            Non : dans la majorité des jeux, les brefs paragraphes concernés énoncent simplement que c’est à la discrétion du MJ. C’est à dire que, concernant l’unique mécanisme influençant les dés, dés qui sont la principale action de jeu et la mise en œuvre de leurs choix, les joueurs sont priés d’en discuter avec l’arbitre. WTF !?
            Vous imaginez la gueule du football si le marquage des buts n’était pas déterminé par des règles écrites (et connues de tous), une signalétique inscrite dans le terrain, une cage normalisée, la stratégie d’une équipe et l’effort individuel d’un athlète mais chaque fois et seulement négocié avec l’arbitre ?
            Vous vous représentez une partie de jeux de plateau -Res Publica, Takenoko ou les Colons de Catane- où vos possibilités d’action seraient déterminées par deux choses, premièrement des choix que vous avez fait une seule fois avant même de commencer à jouer –votre fiche de perso, deuxièmement le fait de négocier vos chances aux dés avec un arbitre ?! Vous n’avez plus le choix de vos factions ou de vos tuiles, vous ne pouvez plus vous positionner sur le plateau, vous ne pouvez plus acheter de ressources ni établir de stratégie, vous ne pouvez que lancer des dés… et causer au monsieur pour discuter des chiffres.
            Je n’exagère pas, je ne me vautre pas dans la caricature : je décris, sans tricher, en prenant le temps de démontrer les étapes et en établissant des parallèles, ce à quoi se résume l’essentiel du « gameplay » de la majorité des JdR.
            Sauf le combat, curieusement… Pourquoi, à votre avis ? Est-ce que c’est l’influence ancestrale du wargame qui fait qu’on a vraiment développé des modificateurs, donc un gameplay, rien que pour la castagne ? Les JdR qui ne détaillent ces règles-là ne seraient-ils en fait que des jeux de baston ? N’est-ce pas un sérieux problème pour des jeux de narration et de roleplay où l’on prétend permettre une mise en œuvre quasiment infinie du libre arbitre des joueurs et des personnages ?
            Ou bien serait-ce éventuellement une question d’enjeu ? Parce que, lorsque la survie même de leurs personnages est en péril, il s’avère que les joueurs sont nettement moins perméables à l’arbitraire du MJ ?

            Bien sûr il y a des MJ fair-play, capables de faire preuve de « bon sens » et de mettre en valeur les choix de leurs joueurs. En fait, le gameplay étant ce qu’il est, l’essentiel de la pratique rôliste repose sur l’espoir que ces « bons MJ » soient majoritaires.
            Mais, d’abord, si une mécanique de jeu se traduit en règles, pourquoi diable y aurait-il besoin de substituer à ces règles un arbitre extérieur, justement pour gérer l’élément essentiel du gameplay ? Pourquoi ?!
            (Je vais cette fois vous épargner les conséquences commerciales de la notion, mais si vous êtes capables de déduire, ça pose un sérieux problème de qualité fonctionnelle des paquets de règles qu’on nous vend. Revenons au jeu…)
            Et d’ailleurs, c’est quoi le « bon sens » ? N’est-ce pas la perception qu’on a du fonctionnement à peu près objectif l’univers où on évolue ? Que serait-il alors en JdR, si ce n’est les règles du jeu ?
            Et c’est quoi le « fair-play » ? N’est-ce pas une notion d’élégance dans le rapport au jeu, sensée traduire non-seulement le respect de la lettre mais de l’esprit des règles du jeu ?
            Comment se fait-il qu’on demande aux MJ faire ça à la place des règles, là où elles seraient le plus cruciales et où elles font défaut ?!
            (Et là, je vous fait grâce de mes considérations personnelles sur la fausse nécessité de l’arbitrage et le constat d’échec que ça impliquerait pour le JdR en général, mais j’en parlais dans le RR#26 à propos des fonctions du MJ…)

            Je n’ignore pas que c’est pourtant la manière dont jouent vraiment beaucoup de rôlistes. En fait, c’est cette pratique qui a largement amené l’idée que si l’arbitrage (ou l’arbitraire) du MJ est aussi essentiel, alors les règles n’ont guère d’importance (de fait : c’est pas elles qui mettent en œuvre le gameplay… sauf pour le combat), d’ailleurs les joueurs n’ont généralement pas vraiment accès à ces règles et les dés du MJ ne servent qu’à « faire du bruit derrière l’écran ».
            Mais si vous pensez par contre que « le système est important », alors la question du gameplay devrait vous préoccuper très fort. Parce que c’est là que tout se joue : c’est dans l’influence sur les dés que s’exerce les choix des joueurs, donc leur libre arbitre autant que celui de leurs personnages, c’est là que le joueur s’engage et qu’il s’immerge dans le jeu, peut-être même dans la fiction (si les deux sont aussi intimement liés qu’on le dit parfois), et c’est en influençant le résultat de leurs actions qu’ils influencent le cours de leur propre histoire.

            Alors non, vraiment, c’est pas un détail. Ni une caricature.
            C’est une question rôliste extrêmement sérieuse.

            Quant à savoir si, de là, je méprise les « joueurs de bingo », la réponse est non : je les plains, et je me décarcasse par des podcasts, des articles et des réponses circonstanciées dans les commentaires pour qu’il puissent jouer d’avantage. Indépendamment du fait que certains, manifestement, vont m’en vouloir de l’analyse que je tire de notre pratique : comme si en révélant le problème, soudain, c’était de ma faute…

          3. Nicolyonnais

            Je comprends très bien la démonstration de Sébastien Delfino, et j’apprécie globalement ces conseils. Cependant, et ses commentaires ici en sont des exemples probants, la tendance logique et cartésienne des propos me paraissent être exagérément définitifs (et particulièrement scolaire dans la manière de pensée – ni voir aucun sentiment d’agressivité de ma part, c’est simplement un ressenti honnête), puis surtout ne correspondent pas à la réalité de tout à chacun (pas tout à fait la mienne en tout cas).
            La pensée Forgienne a beaucoup fait évoluer la théorie rôlistique, mais je pense qu’on ne sait pas encore tout du jeu de rôle, et qu’on ne comprendra jamais tout, ceci pour la bonne et simple raison qu’il s’agit d’un jeu social. Quoi de plus complexe que la relation inter-personnelle ?
            Et dans ce dernier commentaire, il me semblait qu’il ne connaissait pas assez le vénérable Appel de Cthulhu (sinon, de la mauvaise foi ?) ; l’appel de Cthulhu n’a jamais eu des règles de combat détaillés, et dans ces dernières versions il est beaucoup questions de la gestion des compétences d’investigation. Mais, il est vrai, qu’il y a, et il y en aura toujours, un flou sur l’interprétation des modificateurs, car il est impossible de tout prévoir, ce jeu se base sur l’à-propos du Gardien et l’inventivité des joueurs.
            Il faut aussi comprendre que dans la multitude des interactions possibles à une table, s’adapter, imaginer font parti de la force d’un jeu comme l’AdC. Ce que ne permet pas des JdR plus cadrés.
            Je pense, cependant, qu’une partie a plus de chance d’être réussi avec un jeu qui dispose de règles, d’une mécanique, pensés jusque dans les détails. Mais, une partie de l’AdC peut être particulièrement réussi, le plaisir de jeu est simplement différent. D’ailleurs, je reste persuadé que ce jeu est une référence, le restera, tant son game-design est incroyablement cohérent (je pourrai en parler…).
            Evitons les chapelles, l’ouverture d’esprit est de rigueur quant il s’agit de JdR, la pratique de ce loisir est vaste.

          4. Sébastien Delfino

            Nicolyonnais, j’ai joué à l’AdC, y compris à ses versions récentes, et j’y ai trouvé pour le combat des notions d’initiative & de rounds, de dommages & de protection et des modificateurs tactiques créant un gameplay qui dépasse encore, de très loin, tout ce qui existe pour la gestion des enquêtes (pourtant remaniées, en effet) ou des conflits sociaux (la santé mentale, elle, reste plutôt bien représentée si tant est qu’on ne veuille pas tant affronter l’horreur que la subir).
            Ce qui devrait répondre tant à l’accusation de méconnaissance qu’à celle de mauvaise foi (mais j’apprécie vraiment que tu aies précisé le faire sans agressivité : ça change vraiment tout), tout en démontrant à quel point tu avais bien compris mon argumentaire…

            Quant à ma tendance cartésienne, voire « scolaire » (c’est une manière de dénigrer le fait que j’argumente, j’imagine ?), vois-tu, c’est justement ce qui me permet de démontrer un point de vue, de le justifier et de l’expliquer plutôt que de balancer des attaques au pif : ça tombe souvent plus juste.

            Pour adoucir ma réponse, je te mets un smiley gentil (ça change tout) : 🙂

          5. nerghull

            Tiens, j’aimerai juste revenir 10 secondes et sans pavé sur cette histoire de gameplay détaillé pour pas que le combat. Le jeu avec des tables de modificateurs et la précision de quel jet contre quel jet dans quelle circonstance bien cadré dont tu le parles, ça me fait grave penser à Shadowrun (4ème ed). Ce jeu je le connais un brin et je connais aussi bien ses tables de modificateurs pour plein de chose, le social, l’intrusion, le fait de voir ou pas des choses, de survivre ou pas dans un environnement etc… Ces tables j’en ai d’ailleurs fait des écrans pour qu’on puisse jouer….. Sauf que ça marche pas.
            En partie, je les consultes que pour voir à combien sont les modificateurs que j’ai *déjà* évoqué et pas regarder en détail quels autres peuvent s’appliquer. Et mes joueurs, ils les ont sous les yeux, mais ils s’en servent pas, ils se content de décrire leur action et à moi de me dépatouiller.
            Alors on pourrait dire que ça vient du caractère velu de Shadowrun, mais je répondrai que ça fait quand même quatre ans qu’on joue, avec des PJs qui aiment chiner pour trouver le bout de matos-qui-donne-« +1 » et qui s’en souviennent. Alors soit je passe à coté de la vrai raison soit tout simplement en partie *on a pas envie de s’embêter avec ça*, on trouve pas ça fun de parcourir ces tables, on a juste envie de décrire le truc cool que fait notre personnage ou on attend la réponse du MJ.

            Je sais pas trop, quoi

          6. Sébastien Delfino

            Je vois très bien de quoi tu parles, ayant pratiqué SR4 (pour motoriser COPS, figurez-vous).
            D’abord, très honnêtement, je ne pense pas que proposer des tombereaux de modificateurs pour tout et n’importe quoi soit le bon moyen de s’y prendre, essentiellement -cette fois- pour des questions « d’accessibilité » du gameplay : je ne parlais de ça qu’en réponse à l’argument habituel « Mais si, les joueurs ont de l’influence sur les dés, puisque le MJ peut leur donner des modificateurs« …
            Néanmoins, pour avoir tester SR4, WarHammer 3 et différentes version de D&D qui fonctionnent sur cette base, perso, ça m’emmerde.

            À partir du moment où les joueurs peuvent vraiment influencer leurs chances de réussites, que les moyens existent, on leur offre potentiellement un « vrai » gameplay : c’est un pré-requis. Mais, en pratique, c’est pas forcément suffisant, et il y a tout un tas de moyens bien plus efficaces et maniables par les joueurs que de leur proposer des listes de modif’. Ma préférence va souvent vers les jeux « à pool » (de dés, de cartes, de points d’action…), mais il y a aussi des mécaniques « à traits » comme Fate ou Métal (le système de Edge of Empire s’en approche, d’ailleurs), des principes de « réserves » comme dans Gumshoe, des systèmes où la qualité de la description détermine les chances de réussite (Feng-Shui)… Tous ces principes-là non seulement permettent effectivement aux joueurs d’influencer les dés, mais leur propose de le faire d’une manière beaucoup plus fluide qu’avec des listes de modificateurs.
            Et encore, là, on ne cause que des mécaniques qui emploient un moteur effectivement aléatoire mais compensé par les choix des joueurs : il y a encore plein de jeux qui se basent sur des notions complètement différentes, depuis les jeux à pioches (on a un aléa déjà sévèrement contraint par le nombre et l’amplitude de valeurs des cartes, puis le joueurs se débrouille entre ce qu’il pioche, ce qu’il garde en main et ce qu’il pose), des jeux sans dés mais à réserve (on achète ses actions avec ses jetons, quand il y en a plus il faut renouveler le stock), ceux qui se basent sur le sacrifice (si tu veux gagner quelque chose il va falloir perdre quelque chose)…

            Il y a énormément de possibilités en la matière, y compris sans doute des centaines qu’on a jamais vraiment exploré, simplement parce que la majorité des systèmes en restent à « lancer des dés, comparer à la fiche de perso ».

          7. nerghull

            Aaaaaaah donc c’est une manière d’amener les gens à se dire tout seul que CinEtic est le meilleur système du monde. Habile, très habile…

            Blague à part, je reste assez peu convaincu par les jeux « à pool » qui ont vite tendance à tourner au calcul d’apothicaire. ça me dérange pas en jeu de plateau où il y a pas une narration fluide à avoir en parralléle, mais en jdr, ça coince.

            Aprés je ne connais pas FATE, je ne sais pas comment y fonctionnent les aspects.

          8. Sébastien Delfino

            Concernant Fate, tu as en fait deux moyens d’influencer tes jets.
            Le premier c’est de cumuler des Traits : par l’optimisation (éventuellement un peu de négo sur la définition des Traits) et la description d’une action, tu peux justifier d’ajouter tes scores de ‘Méticuleux’ et ‘Sang-Froid’ à ‘Électronique’ pour désamorcer une bombe. Autrement dit, plus tu engages d’aspects de ton personnage dans une action, mieux elle marche. Le deuxième, c’est justement les points de ‘fate’ (donc de destin/influence narrative) que tu peux dépenser pour booster tes scores, voire acheter des résultats.
            Les systèmes Cortex, Burning Wheel (donc MouseGuard) et quelques autres reposent aussi sur ce genre de principes.

            Quant à cinÉtic, il est vrai que c’est un système qui satisfait mes exigences en matière de gameplay (pour plein de raisons, l’influence des joueurs sur les dés n’étant qu’une parmi d’autres) : ça ne veut pas dire qu’il est idéal, ni qu’il conviendrait à tout le monde (sans compter le fait qu’il soit très peu diffusé).

            Les comptes d’épicier sont effectivement inhérents aux mécaniques qui réclament d’optimiser, que ce soit par la gestion d’un pool ou l’accumulation de Traits (et comme il emploie les deux mécanismes à la fois, ça arrive avec cinÉtic).
            Mais d’abord c’est d’avantage un problème d’usage de la mécanique que de la mécanique elle-même (et donc c’est comme les accidents de la route : ça ne remet pas en cause l’intérêt des bagnoles).
            Ensuite, il y a différentes solutions possibles, qui vont de générer volontairement de l’approximation (pour inciter les joueurs à gérer leur pool « à la louche », sans trop faire de compta) à l’intégration de la mécanique au roleplay (d’un seul coup, la gestion se fait bien d’avantage « au feeling », selon la manière dont on interprète son perso) en passant par des limites de granularité (quand tu as un pool maximal de 5 –5 points d’action ou de destin, 5 dés…– les calculs sont vite réglés) et des variations mécaniques (le pool varie pour diverses raisons indépendantes du joueur, sa gestion est donc réduite à ‘faire au mieux, sur le moment, avec les moyens du bord’).
            Et on peut bien sûr mélanger plusieurs de ces effets (ou en inventer d’autres : je ne cite que ceux que je connais) pour obtenir un ensemble relativement ‘organique’.

            Mais pour pouvoir se pencher en conscience sur ce genre de mécanismes, encore faut-il déjà penser en termes de gameplay et plus seulement de simulation ou de résolution…

          9. Nicolyonnais

            Je me demande si l’incompréhension ne vient pas du mot Gameplay. Je pense que cela explique la différence de point de vue que j’ai pu exprimer avec Sébastien Delfino.
            Pour moi, Gameplay représentait tout ce qui pensé dans un jdr, pas obligatoirement ce qui est écrit, pas seulement son système de résolution. A moins d’écrire un jeu de rôle à la Johan Scipion, avec ces notes d’intention, un jeu de rôle, contrairement à un jeu de plateau, peut se jouer d’une manière qu’on ne soupçonnait pas à sa lecture. Souvent, il faut pratiquer, et, au final, les parties peuvent être différentes de ce à quoi on avait fantasmé en le lisant.
            Tout ça pour dire que je me demandais si le terme de Gameplay s’emploie vraiment pour le jdr. En faisant une petite recherche il renvoie plutôt aux jeux vidéo. Et pour le jeu de plateau, on utilise, il me semble, le terme de Game Design. N’y aurai-t-il pas un terme pas plus spécifique pour le jeu de rôle ?

          10. nerghull

            Je viens de voir que tu avais développé la réponse. Merci, les quelques pistes sont intéressantes (bien que ça me convainque pas, mais au moins j’ai des directions pour creuser). La question des pools m’intéressent car mes joueurs, en voyant la tronche de mon système minimaliste pour Eclipse Phase, m’ont dit clairement « Ce serait plus cool avec des pools à la Ambre ». De là l’idée d’aller piller de manière éhontée les Réactions de CinEtic, etc…

            Bref, merci pour les réponses, mais faudrait que ça soit plus clair que le message a été modifié :p

          11. Sébastien Delfino

            @ Nerghull : pas faux, je tâcherai de faire gaffe à préciser les éditions.

            @ Nicolyonnais : oui… et non.
            D’un côté, je suis d’accord avec l’idée que le gameplay d’un jeu dépend à la fois des règles du jeu et de l’usage de ces règles (c’est valable pour les jeux de rôle, de plateau, vidéo, etc.). C’est le principe du gameplay « émergeant » (là encore, cf. RR#53 à sortir dès demain), c’est à dire que, dans certains jeux (pas tous), les possibilités d’action naissent d’avantage de l’interaction des règles entre elles et de la manière dont les joueurs se les approprient que de la définition des règles. C’est d’autant plus vrai quand le jeu est très « ouvert » et, donc, c’est fréquemment le cas en JdR.
            En guise d’exemple, on pourrait parfaitement arguer que le gameplay de combat dans D&D est émergeant : le sel du jeu ne se trouve pas dans la liste d’options, de positionnement tactiques et autres aptitudes de classe que dans les interactions de tous ces paramètres (c’est en fait le cas dans la plupart des jeux tactiques).

            De l’autre côté, ça souligne à nouveau le même problème en JdR : la pratique du jeu s’éloigne sérieusement des règles du jeu. On risque comme souvent de me dire que, en fait, c’est ça la liberté des rôlistes et le gameplay du JdR, mais c’est à mes yeux largement faux (et, là encore, je peux démontrer ce que j’avance, sauf pour ceux à qui la logique ne parle pas).
            D’abord, si la liberté de choix et d’action est fondamentale en JdR, encore une fois, cette liberté ne peut être mise en œuvre qu’à travers les règles. Donc il n’y a liberté de jeu que si on trouve un moyen de la faire fonctionner sous forme de règles -écrites, orales, publiées ou « maison ». Pour que les joueurs (MJ compris) puissent jouer à la même chose, il faut qu’ils utilisent des règles connues de tous (ce qui pose d’autres questions quant aux compendium de règles supplémentaires de 300 pages).

            Et même si le MJ peut se substituer au corpus de règles pour faire fonctionner « mieux » tout ce qui coince, s’avère réducteur ou est tout simplement mal branlé, on en revient d’abord aux arguments « produit » : c’est pas parce que les utilisateurs peuvent se démerder d’un jeu qui ne marche qu’à moitié que, en tant que consommateurs, on devrait se contenter de produits mal ficelés.
            Parfois, on me lance carrément « oui mais bricoler est un droit !« , ce qui n’a aucun rapport avec la choucroute : évidemment que c’est un droit, de même que lorsque j’achète un produit Windows ou une moto Yamaha, on ne devrait pas m’empêcher de regarder sous le capot et d’y bidouiller ce que j’ai envie parce maintenant ce bidule est à moi, puisque je l’ai acheté.
            Ça ne change rien au fait que ce droit ne devrait pas être un devoir : quand j’achète un système de jeu, un OS ou une bécane, je suis en droit d’attendre qu’au minimum il fonctionne. Et fonctionner, pour un système de jeu, signifie qu’il motorise effectivement les actions de jeu essentielles à son genre ludique (comme l’enquête à Cthulhu ou l’explo dans Pathfinder-le-modérément-bien-nommé).
            Et si je dis « au minimum », c’est parce qu’on pourrait même exiger que ces systèmes produisent un ‘véritable’ gameplay, c’est à dire des mécanismes de jeu qui mettent en valeur les actions de jeu en question. Ce qui va bien plus loin que seulement « les résoudre »: il faudrait que le jeu soit meilleur avec la règle que sans elle, donc que chaque règle apporte une plus-valu ludique.

            Et si on ne considère plus seulement les fonctions intrinsèques d’un corpus de règles mais qu’on compare les systèmes de jeu les uns aux autres, alors il serait même logique d’exiger que, fréquemment si ce n’est tout le temps, différent systèmes proposent différents gameplays, dont des mécanismes qui mettent en valeur différentes approches des actions de jeu (voire de différentes actions de jeu : tous les systèmes ne sont pas sensés se concentrer sur le combat, merci). Parce que, sinon, il n’y vraiment aucune raison de publier des tombereaux de systèmes qui, pour la plupart, se contentent de résoudre des actions de jeu, alors qu’ils devraient les améliorer.

            J’ai bien conscience que ce que je raconte là va à l’encontre de l’histoire rôliste : depuis des décennies, on a pris l’habitude d’acheter des jeux sans trop se préoccuper de la partie mécanique (on les choisit surtout pour les univers et les histoires qu’ils proposent), puis de râler sur les âneries des systèmes, puis de faire à notre sauce. C’est effectivement comme ça que fonctionnent la majorité des tables de jeu, je dis pas le contraire : je dis que c’est bien dommage… Et que d’un point de vue économique, quand on paye 45€ pour un bidule dont 150 pages sur 300 sont mal foutues, on est quand-même bonnes poires.
            En tant que designer et surtout comme consommateur, j’attends bien plus des mécaniques de jeu : du gameplay qu’il est mieux avec les règles que sans. Sinon, c’est vraiment pas la peine de me vendre un système !

            Ensuite vient les arguments « game-design » (qui ont été beaucoup rebattus à l’époque où l’on a commencé à affirmer que « le système est important« ) : lorsque les utilisateurs bricolent un système, ils s’éloignent fréquemment des intentions ludiques de ce système (et je vous renvoie aux CL#2 et #3 pour la définition des ‘intentions ludiques’), ce qui veut dire qu’en fait ils jouent désormais à autre chose.
            Lorsque le système est par lui-même bancal et que ses intentions sont nébuleuses, à la limite, c’est pas bien grave : on y gagne plus qu’on y perd (même si, encore une fois, on devrait légitimement se demander pourquoi on a payé de vrais Euros pour cette daube).
            Mais dans tous les autres cas, c’est à dire dès que le système propose effectivement des mécanismes intéressants (et, quoiqu’il soit difficile de faire des statistiques, ça arrive à peu près aussi souvent que de tomber sur un système vraiment daubé) alors le « bricolage », aussi traditionnel et autorisé qu’il soit, pose des problèmes…

            D’abord parce qu’à moins de faire vraiment l’effort d’ingénierie inverse (donc d’avoir les compétences nécessaires) pour retrouver les intentions d’un système, ses bases statistiques (dès qu’il y a un moteur aléatoire, c’est à dire la plupart du temps) et ses différents facteurs d’équilibrage, le bricolage de règles de jeu produit à peu près le même résultat que le dé-bridage de mobylettes : ça va peut-être plus vite et ça a l’air rigolo au début, mais c’est nettement plus bruyant et même dangereux, puisque ça use les pièces, démultiplie le risque de pannes et les freins ne sont plus capables de stopper l’engin. Sans compter que les usagers ne savent pas forcément se servir du bolide qu’ils ont produit, vu qu’ils viennent d’échapper aux fonctions couvertes par le manuel du constructeur…
            Pour avoir bidouillé un paquet de jeux et quelques bécanes, je suis plutôt de l’avis des professionnels : quoiqu’en pense nombre de rôlistes, il y a normalement un vaste fossé d’efficacité entre les productions de l’industrie et du garage-à-Momo. Ou alors, c’est que l’industrie produit, pour nettement plus cher, des engins aussi rafistolés et instables que les bidouilleurs du dimanche, et je vous renvoie donc à la question « pourquoi devrait on payer pour cette daube ? ».
            (Je n’ignore pas qu’il existe, en matière de Jdr comme de mobylettes, des amateurs éclairés, vraiment capables de produire des engins de qualité. En fait, la plupart des game-designers ‘pros’ du JdR sont au départ des bricoleurs-du-fond-du-garage : la différence, c’est que pour se professionnaliser, ils ont déployé des efforts de réflexion, d’outillage et d’expérience pratique qui, justement, leur ont pris un peu plus de temps et de sueur que quelques dimanches après-midi où y avait rien à la télé.
            Mais c’est encore un autre débat…)

            En résumé : le bricolage produit généralement des résultats crachotants et instables que l’ingénierie sérieuse est sensée éviter.
            Ce bricolage devient particulièrement casse-gueule avec le JdR qui est, en fait, la formalisation d’un genre ludique et d’un genre narratif dans un univers de fiction : parce que la cohérence du jeu, celle de la narration et leur engrenage efficace est une affaire un peu plus subtile que le réglage des carburateurs.
            certes, les MJ sont souvent scénaristes et inventent leurs propres histoires avec leurs joueurs, mais si on veut conserver « l’esprit » qui fait la qualité d’un jeu, surtout d’un jeu qui a une personnalité un peu forte et cherche à émuler des thèmes un peu spéciaux à travers une approche particulière, il ne faut pas modifier grand-chose pour vraiment changer la donne. Et c’est comme ça que « Vampire la Mascarade« , jeu théoriquement voué à la lutte intérieure entre l’humanité et les instincts bestiaux dans une société complexe pleine de manigance devint, à maintes tables, « Super-Héros Vampires contre le Sabbat« .

            De plus, si offrir un vrai gameplay (encore une fois au sens de « qui rende les actions de jeu plus intéressantes que s’il n’y avait pas de règles ») n’est déjà pas un standard très établi de l’industrie rôliste, c’est encore plus rare d’y arriver quand on bricole. Parce que le système bricolé n’a pas vraiment été pensé, designé, développé, testé, raffiné, mis en forme et expliqué-clairement-pour-être-transmis (parce que le JdR est un ‘média indirect’), le résultat est bien plus souvent « une manière de se débrouiller de règles insuffisantes » que le moteur d’une expérience ludique plus intéressante que seulement lancer des dés (ce qui nous ramène aux arguments de départ sur l’influence des joueurs).

            Mais alors, comment du vrai bon gameplay peut-il naître de l’usage des règles, en plus des règles elles-mêmes ? Hé ben justement, quand ces règles ont été assez bien pensées pour que leur espace négatif, le ‘non-dit des règles’, ait été lui aussi conçu, anticipé et un peu cadré AVANT d’être offert à la créativité des utilisateurs.
            Un comme le silence qui suit une sonate de Mozart est encore du Mozart, les espaces entre les règles volontairement laissés par les designers pour que les joueurs les investissent (certains diront le « vide fertile »), ces espaces devraient eux aussi être pensés, conçus, testés, raffinés et expliqués par le système de jeu. C’est le principe de la gestalt et plus généralement de l’espace négatif en art visuel : la signification du tout dépend de l’interaction entre ce qu’on a défini « à dessein/par le dessin » et le vide qu’on a défini à dessein mais en le laissant en blanc (un blanc qui a une forme précise).
            C’est ça, le gameplay émergeant, et peut-être même le gameplay tout court (dès qu’on parle d’un média qui nécessite l’appropriation par les utilisateurs).

          12. Nicolyonnais

            Réponse détaillée et très intéressante. Merci beaucoup.
            J’aimerai continuer, comme cela me passionne…
            L’analyse du JdR a évolué ces dernières années tant qu’il essaie aujourd’hui de formaliser les échanges entres joueurs (voir Apocalypse World, aussi la plupart des jeux narrativistes). C’est aussi pour cette raison que je me demandais si le terme de Gameplay correspondait bien à l’appellation de qui convient d’analyser pour évaluer ce qui marche ou pas dans un JdR. Pour moi, Gameplay est lié intrinsèquement à des mécanismes de résolution…
            La particularité du Jeu de Rôle tient aux échanges entres les joueurs. A de très rares exceptions, et alors il s’agit de JdR assez modernes, un jeu inscrit dans ses mécanismes une « réglementation » quant aux échanges entres joueurs – quand il ne s’agit pas de lancer de dès. Le « vide fertile ». Et c’est pourtant dans ces instants où il n’y pas de système de résolution, qu’à mon avis, on peut réussir à créer une bonne enquête. En utilisant leurs intuitions, leurs déductions, aux joueurs. Ceci n’est pas formaliser dans les règles de l’Appel de Cthulhu. Est-ce un manque ?… Peut-être, mais cela est tout de même sous la forme de conseils, à trouver dans le livre de base, dans des forums…
            Je pense que le problème des mécanismes, c’est que parfois il en faut, mais que dans certaines situations cela « enferme ». Quoi de plus répétitif qu’un mécanisme (même si je suis admiratif de belles mécaniques), n’est-ce pas extrêmement peu flexible, pas toujours adapté. Comme vous l’avez dit, un mécanisme sert à résoudre une situation et permet d’en connaître les résultats. Cependant : si le joueur a eu une idée, absolument lumineuse, et en plus très fun, le MJ a-t-il le droit de ne pas respecter la règle de jeu; et si le MJ a une idée pour rendre plus palpitant encore ce qui se déroule à sa table plutôt que de suivre ce qui est proposé dans le jeu ?…
            J’imagine pour ma part, les mécanismes, indispensables s’il sont bien pensés, comme des murs entres lesquels les joueurs vont naviguer. Les mécanismes ne règlent pas tout dans une partie de jeu de rôle, sinon joueurs et MJ ne sont plus qu’engrenages et rouages. Pourquoi pas ? Mais, on est alors dans un jeu de gestion…
            Mais quant à penser que ce qui n’est pas noté dans les règles comme important pour un jeu; est-ce que l’on parle toujours de Gameplay ? Peut-être,… le « non-dit des règles », et également le « non-géré par les règles » sont en effet à prendre en considération à mon humble avis.

          13. Sébastien Delfino

            EDIT : j’ai modifié mon message précédent, d’abord pour corriger des fôtes, puis pour remanier des phrases mal foutues… puis je me suis laissé aller à compléter des imprécisions.

            À nouveau, Nicolyonnais : oui, mais non.
            D’abord, j’ai déjà donné plus haut une définition du gameplay : arbitrairement, je pourrais privilégier la mienne sur la tienne rien que parce que c’est mon-podcast-de-moi-que-j’ai, mais en l’occurrence c’est une définition qu’emploie l’industrie (jeu vidéo, plateau, etc.) d’une part et les « game studies » d’autre part. Elle a donc l’avantage d’être à la fois plus sophistiquée, plus documentée, plus rationnelle (donc plus facile à appliquer à plein de choses) et expliquée en début de discussion. Pour toutes ces raisons, et au moins dans le cadre de cet échange, si tu insistes pour qu’on en arrive à « ta définition ou la mienne », on va donc garder celle que j’ai déjà donnée.

            Les interactions entre participants sont intéressantes aussi, et en théorie elles se recouvrent partiellement avec le gameplay d’un JdR, mais ce n’est pas pour ça que les deux termes sont synonymes : il y a plein de gameplay « personnel » qui échappe à ces interactions (y compris la plupart des fois où je lance les dés contre un streum), et pleins d’interactions entre participants qui échappent au gameplay (de « passe-moi les chips » à « votons pour décider où nos héros iront la prochaine fois ». Ce qui n’empêche pas que, comme je le citais dans le podcast, lorsqu’on met en place un travail d’équipe autour de la table pour faire avancer l’action commune des perso à l’intérieur de la fiction, les interactions entre joueurs participent pleinement du gameplay. Juste : « pas toujours ».

            On pourrait arguer que dès qu’on discute ‘roleplay’ on est en fait dans le ‘gameplay’ du JdR, ce ne serait pas forcément faux mais ça poserait alors une question de plus : si c’est encore du jeu, quelles en sont les règles ? Et l’objectif ? Et la difficulté ? (Alors que, pour une fois, on voit bien l’influence du joueur.)
            L’absence de réponses évidentes à ces questions n’invalide d’ailleurs pas la thèse que tout ce qui relève du roleplay participe du gameplay (dans un jeu « de rôle », ça paraît pas dingue) : simplement, il va falloir creuser encore un peu…
            Néanmoins, parlons si tu veux des interactions entre participants, ok, mais ne confondons pas avec le gameplay, parce que les deux notions contiennent plus de différences que de points communs.

            Même chose pour « le vide fertile » : le vide fertile, ce n’est pas l’absence de règles efficaces, compensée par le MJ qui bricole ni l’espace ‘non-défini par les règles’ où les joueurs font ce qu’ils veulent (et là encore, ni le terme ni la définition ne sont de moi, donc « c’est pas moi qui le dit », je te renvoie vers la Cellule si tu veux aller au plus près, ou vers la théorie de la gestalt qui emploie la notion de « fertile void » depuis bien plus longtemps). Si c’était le cas, chaque fois que tu te lèves de la table de jeu pour aller pisser, vu que c’est pas défini par les règles, ce serait du vide fertile : démonstration par l’absurde pour souligner qu’il y a bien d’autres critères en jeu.
            Et donc en JdR, le vide est ‘fertile’ quand des espaces de liberté sont sciemment dégagés par un designer pour que les joueurs puissent y injecter leur créativité. Pas chaque fois qu’un truc n’a pas été défini par les règles, au contraire même, mais quand un truc a été sciemment non-défini par les règles, laissé dans un vide qui, lui, a été clairement fixé par les limites de toutes les autres règles. Retour à mon histoire d’espace négatif (qui se recoupe également avec la gestalt) : en arts visuels, l’espace négatif n’est pas seulement la partie laissée en blanc, mais bien la partie délibérément laissée en blanc car circonscrite et ‘dessinée’ par les aspects qu’on a noircis. Sinon, c’est juste « un trou ».

            À titre d’exemple, et pour rester assez prêt de nos questionnement précédent, penchons-nous sur la forme des vides autour du roleplay.
            Premièrement, la plupart des JdR ne définissent pas grand-chose quant à ce que le roleplay devrait être dans le cadre ludique qu’ils ont pourtant largement structuré par ailleurs. Au mieux énoncent-ils très classiquement que si le personnage ignore une information, alors son joueur est sensé, dans son roleplay, faire semblant de l’ignorer aussi même s’il a lu le bouquin.
            Ça, c’est pas un vide fertile : c’est juste un trou, un espace où les designers n’ont rien prévu. Ça n’empêche pas d’y faire pousser un peu tout ce qu’on veut, peut-être même des trucs très créatifs si on arrose beaucoup soi-même. Simplement la forme du trou n’apportent pas d’engrais à notre créativité, c’est juste une friche.

            Deuxièmement, il y a des jeux qui commencent par définir assez nettement quels perso on est sensés incarnés, et comment : la Mascarade, par exemple, aurait du être pleine d’intrigants déchirés, luttant à la fois contre les menaces extérieures, y compris le Sabbat incarnant ceux qui se sont soumis à leur Bête intérieure, et contre les turpitudes intérieures. Y avait même des mécanismes pour ça. Malheureusement, ces mécanismes n’étaient pas très bien fichus, beaucoup plus d’attention et de poids de texte avait été consacré à la liste des pouvoirs (c’est toujours assez révélateur des vraies préoccupations d’un jeu) et, au final, des tas de joueurs de Vampire zappaient complètement cet aspect dans leur roleplay.
            C’était un « vide aride », si tu veux : c’était déjà plus qu’un trou, car si on te laissait créer et interpréter le perso de ton choix, les règles étaient sensées te guider néanmoins vers des problématiques Bête vs Humanité, des idéologies par clan et autres longs exposés intello-branlette sur l’esprit devant habiter les parties. Et tout ça devait se répercuter dans le roleplay des joueurs, fournir un terreau, un engrais à la créativité. L’espace de liberté ‘roleplay’ avait donc été défini, mais la mécanique lui étant souvent contradictoire, ça marchait pas bien.

            Troisièmement, prenons un jeu comme Dungeon World : c’est pas que ce soit très cadré ni très inventif question roleplay mais, simplement, les relations entre les PJ sont définies en début de partie et doivent évoluer au fil des séances pour rapporter de l’XP. Et puis le bouquin fournit quelques exemples de relations : rien de tout ça n’est très transcendant, mais c’est déjà fertile : parce que d’une part le jeu t’incite constamment à arracher de l’XP aux donjons pour passer de niveau et acquérir les pouvoirs cools, et que d’autre part le relationnel entre PJ rapporte désormais de l’XP, alors tu es vivement incité à mettre en scène les relations conflictuelles et mouvantes au sein du groupe pour acquérir les-dits pouvoirs cools (ce que Vampire avait jadis négligé de faire). D’un coup, ce vide-là, qui est un espace de liberté presque aussi vaste que dans n’importe quel jeu à base de donjons et de niveaux, devient fertile parce qu’on vient de déverser plein d’engrais incitatif sur le roleplay.
            Et, cette fois, ce roleplay va clairement se répercuter sur les interactions entre joueurs puisque d’une part les-dites relations sources d’XP doivent être définies entre les joueurs en début de partie, ce qui est source de discussions créatives (bien vu, l’aveugle). D’autre part, parce que ces relations à XP ont une durée de vie limitée : dès qu’elles ont donné des fruits d’XP, il faut les tailler, donc les redéfinir entre joueurs et les faire évoluer pour qu’elle donne à nouveau à la séance suivante. Ainsi enrichi, ce principe est le terreau de moult interactions créatives hors de la fiction et d’interactions roleplay rigolotes au sein de la fiction jouée. Et donc, il est fertile, non pas par le seul trou laissé par les concepteurs, mais bien par la forme et la profondeur du vide.

        2. Nicolyonnais

          Je pensais à scolaire car dans le type de démonstration ici donné, c’est souvent A+B ne peut donner que C ; ce que je voulais dire c’est que dans le JdR il est difficile d’être catégorique.
          Et de la mauvaise foi j’en parlé : qu’il y ai multiples facteurs dans le combat, et une seule page pour le social ; ce n’est pas le cas de certains jeux qui semblent être visés comme l’AdC (même si je n’en suis plus certain comme l’argumentation ne cite aucun jeux).
          Enfin, je suis désolé d’avoir mal exprimé ma pensée. Les mots ont été mal choisi. Vraiment désolé.

          Répondre
          1. Humphrey B.

            Salut Sébastien,

            Tout d’abord un grand merci de ta longue réponse. Je la trouve éclairante, et elle pose particulièrement bien les éléments sur lesquels tu bases ta réflexion. C’est vraiment tout à fait intéressant. Je ne sais pas si je vais être capable d’expliciter aussi clairement ma propre position, mais je vais tout de même essayer.

            Commençons par essayer de dissiper quelques malentendus, ceux qui occupent le premier paragraphe de ton message. Premier élément : le BRP n’est pas mon système fétiche. Je lui trouve de nombreux défauts : liste de compétences pléthorique, tirage des caractéristiques au hasard… On peut donc attaquer le BRP et critiquer certains aspects, je n’ai pas de problème avec ça. Ce qui me pose problème (et a même parfois tendance à me braquer, je le confesse), c’est quand on vient me dire qu’il ne marche pas ou qu’il serait intrinsèquement dysfonctionnel. Or, il se trouve que je joue avec, que je constate qu’il fonctionne, et qu’il me donne autour de la table l’ambiance et les effets que je souhaite voir advenir. Ce n’est donc pas un choix “par dépit”, je me contente pas du BRP à défaut d’un autre système qui rendrait les enquêtes plus mystérieuses, les combats plus excitants, et assurerait le retour de l’être aimé sous trois semaines. Non : c’est un choix conscient, basé sur des considérations empiriques.
            Je lis souvent de longs exposés, très bien argumentés, expliquant par A plus B que le BRP est tout pourri pour faire de l’enquête. J’utilise le BRP pour faire de l’enquête, et je constate que ça marche. Je suis un scientifique, et je sais que lorsque la théorie dit quelque chose et que l’expérience dit le contraire, alors c’est que la théorie est fausse.

            Il me semble qu’une des raisons à cela, c’est que les lectures critiques des systèmes sont souvent des lectures littérales. C’est un peu ce que tu fais avec ta comparaison des tables de modificateurs dans les jeux de rôles. L’erreur sous-jacente, à mon avis, c’est d’oublier l’ensemble des pratiques qui viennent s’y ajouter (par exemple : ces tables de modificateurs sont-elles réellement utilisées ?) Parce que l’ensemble des pratiques de jeu (bonnes ou mauvaises) est un facteur qui me semble être au moins aussi si important, sinon plus, que l’ensemble des règles du jeu dans la réussite d’une partie. Ou, pour le dire autrement, un système de jeu ne fonctionne jamais dans le vide, sans contexte. Tu n’as jamais accès à l’essence d’un système, tout ce que tu peux voir, c’est la convolution d’un système et d’un groupe de joueurs. A mon sens, il est donc impossible d’affirmer quel système fonctionne bien ou mal. Ce qu’on peut dire, c’est que tel système fonctionne bien ou mal dans tel ou tel contexte, avec telles ou telles pratiques. Ce n’est pas parce que le BRP ne fonctionne pas à ta table, avec tes pratiques, qu’il est mauvais.
            (note bien que j’oublie au passage un paramètre de contexte essentiel, qui est celui de l’ambiance que tu veux rendre : motoriser un jeu d’aventures débridées avec un système gritty forcément, ça ne va pas. Mais ce n’est pas à toi que je vais apprendre ça, donc je me permets de laisser cet aspect de côté, sans pour autant vouloir minimiser son importance)

            Une grande partie du game design considère que c’est un problème et travaille à des moyens mécaniques de diminuer cette part de “non-dit” dans les systèmes. Cela peut se faire en étant plus clair dans les explications et les conseils de jeu, et/ou en “imposant’” mécaniquement certaines “bonnes pratiques”. C’est ce que fait Gumshoe. J’ai l’impression que Robin D Laws a été traumatisé lors d’une partie de Cthulhu qui s’est finie en eau de boudin à cause d’un jet de TOC raté. Au lieu d’en conclure qu’il y avait peut-être un problème dans sa pratique du système, il a imposé dans son système ce qu’il pense être “une bonne pratique”, à savoir la réussite automatique des jets de recherche d’indice. Cela donne un jeu qui fonctionne très bien pour faire de l’enquête série policière, car l’enquête va vite et est fluide, laissant la place pour autre chose. Si par contre tu veux une enquête fonctionnant sur d’autres prémisses, forcément, cela ne va plus. Je joue en ce moment même, sur deux tables différentes, à l’AdC et à un jeu Gumshoe. Je prends beaucoup de plaisir aux deux. Il ne me viendrait pas l’idée de dire que l’un est mieux que l’autre. Ils font tous les deux le job, donnant des ambiances différentes : une enquête presque pulp, avec des enquêteurs infaillibles, à Gumshoe, et quelque chose de beaucoup plus fragile, difficile, à l’AdC.

            Je me rends compte que je commence à faire moi-aussi dans le pavé de texte, donc je ne vais pas développer plus avant. J’espère avoir réussi à faire comprendre que ma position est avant tout une position sceptique, méfiante vis-à-vis des discours déconnectés des réalités des pratiques des tables de jeu. Tu trouveras peut-être des contradictions dans mes explications. Je n’en serais pas étonné car finalement au cœur de ma position, il y a la constatation que je suis tout à la fois extrêmement curieux des nouveaux systèmes de jeu et des nouvelles choses qu’ils apportent (et tu es bien placé pour le savoir), tout en étant au fond de moi relativement satisfait des systèmes que j’utilise déjà. En bon sceptique, ma seule certitude quant à la pratique du jeu de rôle, c’est de ne pas avoir de certitude. 😉

            Pour terminer, je voudrais dire que je trouve que la grande qualité des Carnets Ludographiques, c’est justement qu’ils s’intéressent à la pratique. Quand tu traites une question dans les Carnets, tu ne vas jamais proposer un système, mais toujours proposer des pratiques que n’importe qui, quelque que soit le jeu qu’il utilise, peut mettre en place à sa table. C’est pour cela que j’avais étonné par ta sortie lors de ce Carnet, où j’ai eu l’impression que tu passais brutalement de considérations passionnantes sur quelques bonnes pratiques dans une enquête à une position dogmatique du type “on ne peut pas faire d’enquêtes avec le BRP”. D’où ma réaction initiale et le long échange qui s’en est suivi. Je n’ai pas l’impression qu’on ait résolu quoi que ce soit, mais espérons au moins avoir posé chacun de notre côté quelques éléments de réflexion qui n’auront pas vocation à s’opposer, mais à se compléter.

            En complément, j’attire ton attention sur ce fil sur le forum Casus NO traitant des pratiques OSR, dont la lecture m’a fait me demander si je n’étais pas OSR sans le savoir : http://www.pandapirate.net/casus/viewtopic.php?f=24&t=27163 Je pense que c’est une lecture très en lien avec toute notre conversation.

          2. Sébastien Delfino

            Peut-être qu’il est très difficile de parler de gameplay en JdR. Ou peut-être que ce n’est pas le lieu…
            En tous cas, ton message me semble si éloigné de ce que je racontais (sans compter une citation complètement fausse : je n’ai dit nulle part qu’on ne pouvait pas faire d’enquête avec le BRP, d’où ça sort ?!) que je ne sais plus tellement quoi te répondre.

        3. Nicolyonnais

          Non, je n’ai pas de définition du Gameplay qui m’est propre, je me posais la question de ce qu’était le Gameplay, et si ce terme était alors vraiment pertinent en JdR. Merci d’y avoir répondu, et j’ai pu relire la définition qui avait été donné, et, à mes yeux, il y a toujours incohérence dans le terme même de Gameplay, et de sa définition, la mienne ou la votre, avec l’intégralité de la pratique d’un JdR. Il me semble que votre dernière réponse est assez éloquente en cela. Je peux me tromper évidemment, il s’agit juste d’une réflexion que je pousse jusqu’au bout…
          « Néanmoins, parlons si tu veux des interactions entre participants, ok, mais ne confondons pas avec le gameplay, parce que les deux notions contiennent plus de différences que de points communs. » (Il s’agit de citations de ton dernier message.) Et quelques paragraphes après, en parlant de Dungeon World : « Ainsi enrichi, ce principe est le terreau de moult interactions créatives hors de la fiction et d’interactions roleplay rigolotes au sein de la fiction jouée ».
          Donc, d’un côté les interactions entres participants qui seraient « passe moi les chips », et de l’autre des interactions rigolotes.
          Le problème c’est que ce sont ces interactions qui font ou pas une bonne séance de jeu de rôle. Dans un jeu de plateau ou dans un jeu vidéo, il y a une vraie différenciation entre le jeu en lui-même où il peut y avoir interaction entres joueurs et les interactions entres participants. En jeu de rôle, le méta-jeu fait aussi partie du JdR, et parfois on glisse du méta-jeu au jeu et inversement d’une manière tout à fait naturelle.
          Les réflexions que j’ai put lire dans un certain forum à propos de comment jouer l’OSR me paraissaient particulièrement pertinentes, car il y avait échanges de savoir-faire pour rendre fertile ce que l’on appelle ici le « vide ».
          La vraie différence que je trouve entre les raisonnements actuels et de comment on pensait le JdR il y a quelques 20 ans, se trouve sur le fait que tu dis que le vide doit être pensé dans le plein (les règles, etc), alors qu’auparavant le paradigme était plutôt de remplir le vide par du plein (on considérait que sur certains points, comme le combat, un vide ne pouvait pas gérer le bousin, il fallait donc une règle – puis on tendait vers le simulationnisme (l’encombrement,etc.) car le vide ne pouvait pas correctement gérer la réalité objective des choses, un guerrier avec telle force peut porter X Kg, c’est à la règle objective de le définir…).
          Pour en revenir au sujet, je n’imagine pas de système de Gameplay qui puisse bien rendre une enquête, malgré toutes les bonnes idées que tu as donné, cela passe plus par un savoir faire du MJ… et si le système de jeu ne doit pas être un boulet pour se type de Partie, je n’entrevoie pas réellement de système qui simulerai une enquête, tant est que je pense que dans ce type de partie l’interaction entre MJ et joueurs est prépondérant.
          J’attendrai donc plus sur un tel sujet, des conseils, des idées « Savoir-faire » plutôt que différents systèmes.

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  2. Nicolyonnais

    C’est pas bien de moquer ! 🙂
    La réflexion de Sébastien Delfino est ce qui a mené Robin D.Laws au système Gumshoe.
    Ceci dit, Chtulhu (motorisé Gumshoe) n’a pas supplanté le bon vieux Appel de Cthulhu. Ce sont deux manières de jouer différentes.
    L’intérêt au niveau du Gameplay d’avoir un système de résolution où un indice peut être trouvé ou pas (selon la réussite à un jet de compétences) c’est qu’à la fin de la partie les joueurs ne disposent pas toujours de l’ensemble des indices importants. Souvent à l’AdC, les joueurs ne connaissent pas au bout d’un scénario tout les tenants et aboutissants, et à mon sens cela contribue à l’ambiance mystérieuse du jeu, au sentiment de fragilité psychologique des PJ (un monde inquiétant, qui ne livre pas tout).
    Ensuite, effectivement, ceci dit tout le monde est d’accord, il est idiot d’arrêter une partie sur un mauvais jet de dès. Mais, l’AdC peut se maîtriser d’une manière intelligente, et cela rejoint, à quelques égards, la riche discussion sur CasusNo (notamment) de comment jouer l’OSR. Le MJ doit posséder un minimum de bon sens.

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  3. Fabrissou

    Merci beaucoup pour ce passionnant épisode.
    Vous n’avez pas parlé de Crimes, dont l’enquête semble être le thème principal. (et dont le financement commence bientôt). Cela veut-il dire que c’est un mauvais jeu ?

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      1. Sébastien Delfino

        Uiop m’a posé, ailleurs, une question très intéressante, que je reproduis ici pour ceux que ça intéresserait :

        Est-ce que tu aurais des conseils pour la rédaction d’un scénario d’enquête ? Et plus précisément du point de vue de l’organisation et de la structure de l’écrit afin que le scénario coule de source pour celui qui le lit. Aurais-tu des conseils de méthodologie ? Notamment, dans une scène, tout n’est pas linéaire ou chronologique. Y a-t-il un moyen de rendre compte de ce « chaos » à l’écrit ?

        C’est une très bonne question et, à mes yeux, c’est vraiment pas facile (c’est pas un hasard si j’ai du reprendre ma copie pour CB un paquet de fois). La mise en forme pour la publi va pas mal dépendre des moyens à ta disposition (poids de texte, images, etc.), d’abord, puis de la teneur de ton scénar lui-même…

        Quoique je l’ai déjà dit dans le carnet, créer un scénar d’investigation devrait commencer par concevoir le ou les événements sur lesquels les PJ vont enquêter : on part bien de « ce qui s’est vraiment passé » et pas de « comment je veux que les PJ l’abordent« . De là, on crée toutes les traces que l’événement a pu laisser (indices, témoins, répercussions…) et c’est à partir de ces traces qu’on va concevoir les indices.
        (Je sais bien que ta question porte sur la rédaction, mais ça me paraissait important de répéter ce truc-là : pour rédiger clairement un scénar d’enquête, il faut déjà le concevoir clairement.)
        ___________

        Maintenant, si tu n’es pas limité par le signage (déjà, tu es un veinard), je recommanderais de commencer par expliquer au maximum, et du général au particulier. En commençant donc par un synopsis/intro qui expose au minimum :
        ● à quelles sortes de MJ, de joueurs et de PJ ce scénar s’adresse,
        ● c’est une enquête de tel genre, qui va se dérouler dans telles conditions (temps, lieu, ambiance…) et conçue selon telle structure,
        ● voilà ce qui s’est passé en vrai, pour telles raisons, de telle manière, dans tel ordre et avec telle conséquences (donc tu expliques rapidement l’intrigue, sans te perdre en détails mais en mettant les choses à plat, une bonne fois),
        ● les PJ arrivent à tel moment de l’affaire pour telles raisons, donc l’intro va les poser devant tel aspect de l’enquête,
        ● le principal enjeu pour les PJ sera donc de comprendre tel truc et le principal obstacle à cette découverte sera tel machin,
        ● c’est encore tel aspect qui a le plus de chances de coincer et donc, tout au long du scénar, le MJ devra y faire particulièrement attention.
        Ce genre de briefing prend de la place (quand on publi dans les magazines, par exemple, c’est souvent un problème) mais si tu commences par y consacrer les premières pages de ton scénar, ça devrait déjà éviter beaucoup d’incompréhensions par la suite.
        ___________

        À partir de là, faut faire gaffe à son plan : il y a plein de manières d’organiser son texte, trouver la plus efficace peut demander un peu de réflexion.
        Personnellement, je découpe généralement mes scénars en actes.
        En très gros, le premier acte est toujours consacré à l’exposition (arrivée des PJ, premiers contacts avec l’affaire, présentation des lieux et des PNJ), après quoi mon deuxième acte est presque toujours de l’investigation délibérée (les PJ ont compris l’enjeu du mystère et quelles pièces du puzzle leur manquaient, ils se mettent donc à chercher sérieusement), mon troisième et/ou mon quatrième actes étant alors consacré(s) à resserrer le filet sur le coupable (comme je le disais dans le CL#12, si on a 4 actes, c’est soit parce qu’on a un « double acte 2 », soit un « double acte 3 » avec un faux dénouement sur une fausse piste, une nouvelle révélation… et on recommence à resserrer le filet, cette fois sur la bonne cible).

        Au sein de chaque acte, j’organise alors souvent mes scènes, donc mes épreuves et mes indices, par pistes. Par exemple, sur un meurtre je pourrais avoir « la victime » donnant vers « le mobile », la « scène de crime » liée au « mode opératoire du tueur », etc.
        Certaines pistes peuvent complètement se prolonger à travers plusieurs actes quand d’autres s’interrompront bien plus tôt, plusieurs pistes peuvent se croiser dans une même scène (il faut alors choisir dans quelle partie du texte la situer, en sachant qu’elle est en fait à cheval sur plusieurs) et il est probable que les PJ sauteront en fait souvent d’une piste à l’autre :
        c’est un peu une manière de classer mes scènes « par thème », mais avec des thèmes qui fassent sens au sein de l’enquête pour faciliter la lecture… En plus, avec un peu de chance et de méthodo, les Pj vont effectivement suivre les pistes les unes après les autres, et auquel cas tout sera magnifiquement dans le bon ordre !
        Ce classement n’est jamais parfait (malheureusement), mais au moins ça organise le texte et, une fois en jeu, ça aidera vraiment les MJ à retrouver la bonne info au bon moment.

        Mais bon, ça c’est simplement ma méthode préférée : ça ne marchera pas pour tous les scénars, et il y a plein d’alternatives possibles (« ça dépend de la teneur du scénar », disais-je).
        Récemment, j’ai écrit un scénar qui était organisé en actes et en questions, par exemple : j’y regroupais les différentes scènes sous le titre général de « la question principale que vont se poser les joueurs et les PJ« . J’avais ainsi 5 questions principales dans le premier acte, puis 3 dans le suivant et une seule dans le dernier acte (de moins en moins au fur et à mesure que les PJ progressent et que le mystère se précise), chaque « question-titre » regroupant les scènes nécessaires pour y répondre.
        Néanmoins, ça n’était construit comme ça que parce que je pouvais programmer quelles questions les joueurs allaient se poser (puisque c’était les questions que les flics-PNJ posaient aux PJ-suspects).

        Dans un genre différent, il y a des scénars d’enquête « chronologiques ». Que ce soit parce que les PJ farfouillent autour d’événements qui vont se produire selon une chronologie déterminée par le scénario ou parce que les pistes d’investigation sont assez contraintes pour qu’on puisse dire dans quel ordre les indices vont arriver, s’ils s’avère que -par miracle- l’auteur maîtrise le déroulement du scénar, le texte peut largement bénéficier d’envoyer les infos dans l’ordre.
        J’ai aussi lu des scénars qui était découpés par lieux (dans les cas où l’enquête est très géographique, c’est complètement pertinent) ou par « pôles d’intérêts » (ce qui est à peu près comme un découpage par pistes, mais plus souple) : tel PNJ au sein de telle organisation peut complètement fournir plusieurs pistes différentes, et le texte va donc regrouper dans une même partie toutes les sous-intrigues, les pistes, scènes, challenges et indices qui ont trait à l’organisation en question.

        Dans tous les cas, il me semble que la réponse à ta question sur la structure peut se résumer ainsi : selon le type d’enquête et les événements que tu racontes, ça vaut la peine de chercher pour ton texte un plan qui rende compte des informations de la manière la plus claire possible pour les MJ. Sachant qu’il y a en fait fort peu de chances pour que la partie suive effectivement cette organisation, l’enjeu du plan est de fournir à la fois un texte clair à la première lecture et qu’il soit pourtant facile de compulser (donc de feuilleter) une fois en jeu.
        ___________

        Ensuite, tout du long du texte, il faudrait « expliciter » beaucoup : pas de fines allusions, pas de non-dit, pas de « non mais ça je suppose bien que les MJ vont comprendre…« . Tu dis et tu expliques tout, quitte à faire plein de petits encadrés pour détailler comment tel indice majeur se présente, comment cette épreuve critique devrait être « mise en jeu » (avec les règles idoines ou la référence de page dans un bouquin), pourquoi tel machin se présente sous telle forme, pourquoi cette scène-là ne risque d’arriver qu’après telle et telle autres, etc.
        ___________

        Dans l’idéal, si tu maquettes toi-même, ça vaudrait le coût d’y associer des codes visuels et de la mise en forme : de grands titres pour les actes, avec un petit chapeau résumant le contenu et les enjeux, des titres pour chaque piste à l’intérieur des actes et de plus petits pour chaque scène, des puces pour lister les infos/indices, nos fameux encadrés dans des couleurs bien distinctes, les éléments essentiels en gras…
        Étant graphiste de métier, j’emploie volontiers des icônes quand je peux : par exemple un petit masque pour tout ce a trait à l’identité du coupable, un cercueil pour tout ce qui se rapporte à la victime, un cœur pour le mobile… Ainsi, quand le MJ voit une scène notée « cercueil + cœur », il sait illico que les PJ peuvent y trouver des infos sur la victime, y compris des indices menant vers le mobile du crime.
        Les mag’ y échappent rarement, mais si tu as la main sur la maquette, évite de multiplier les colonnes : certes ça gagne de la place, mais aérer le texte est souvent une bonne idée et ça permet aux différentes titres de bien trancher en travers des pages.
        À l’inverse, ça vaut souvent la peine de séparer visuellement les marges extérieures pour y rassembler tes encadrés, tes notes de bas de page et autres paragraphes « si vos PJ ratent telle info… »
        ___________

        Enfin, si tu peux ajouter des images (et que tu sais les produire), un schéma de la structure du scénario peut aussi rendre pas mal de services pour bien montrer aux MJ (et parfois au scénariste lui-même) comment les PJ sont sensés avancer vers la « vérité ». C’est pas toujours indispensable, mais dans pas mal de cas ça peut aider à souligner que la fouille de tel lieu est indispensable pour atteindre le troisième acte ou que comme la plupart des pistes se croisent autour du PNJ Machin, il va vraiment falloir attirer l’attention sur lui et soigner son roleplay.
        ___________

        Je réalise que j’avais pas répondu à la question du « chaos » :
        alors, d’abord, j’ai tendance à penser que si les événements et les infos peuvent être un gros boxon, l’enquête des joueurs devrait être une tentative un peu organisée pour « analyser le bordel ». Ensuite, pour le MJ lui-même, le scénario doit au contraire être aussi clair que possible.
        Si chaos il doit y avoir, ce peut alors être par la mise en scène, en proposant aux MJ différents moyens de brouiller les pistes (si ça semble nécessaire), de donner l’impression du bordel (en décrivant le désordre des lieux et des PJ erratiques, en alternant des événements frénétiques et les nécessaires périodes de réflexions pour les joueurs)… ou tout simplement en laissant faire les joueurs : généralement, à moins d’être méthodiques, ils vont produire le merdier eux-mêmes par leurs actions, que ce soit en fonçant après chaque nouvelle piste sans penser à la placer dans la trame générale ou en courant après des théories non-vérifiées.

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  4. Ertaï

    Encore un podcast très intéressant qui m’a permis d’ordonner pleins de choses que je sentais instinctivement mais sans avoir le cadrage.
    La règle des 3 indices m’avait déjà fait passer un cap et là c’est une image globale qui se dessine. Merci les gars, merci Sébastien. Vous donnez matière à réfléchir et ça se voit nettement dans les commentaires!

    J’avais des questions relatives à l’écriture pour quelqu’un d’autre, m’y étant déjà cassé les dents au point de ne plus vouloir réitérer… Cela a été traité dans le commentaire précédent.
    Il en reste quand même une sur la toile d’araignée. Est-ce que tu la formalises quand tu prépares un scénario ou est-ce seulement un concept? Et est-ce que tu la fournirais dans un scénario pour quelqu’un d’autre?

    Pour finir, à l’écoute je me suis demandé pourquoi il y a des échecs au final sur les scénarii d’enquête. Si tu gères les indices supplémentaires pour aider, si tu balises et limites les fausses pistes, si tu déplaces les challenges après un échec, si tu utilises des pnj adjuvants pour guider, au final en général tu peux ‘supporter’ (dans le sens assister) joueurs et persos jusqu’à la fin. Cela m’a rappelé une réflexion que je m’étais faite pendant des scénarios cops. Elles prennent une nouvelle teinte aujourd’hui avec les billes du podcast (types d’enquête, outils et méthodes, etc.) mais reste d’actualité… Quand doit-on arrêter de guider les persos et les joueurs pour ne pas les brider et leur ôter le plaisir du jeu, au risque qu’ils se plantent et passent à côté? (Puis gérer les conséquences de l’échec et en raconter l’histoire…)

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    1. Sébastien Delfino

      Merci pour les compliments. 🙂

      D’abord, il y a des échecs dès qu’il y a du ‘vrai’ challenge : si l’enquête est vraiment difficile et repose effectivement sur les capacités des joueurs, des fois, ils vont rater. En tous cas, à l’époque où je menais beaucoup de scénars d’enquête avec un groupe particulièrement aguerri, alors même qu’ils devenaient tellement perspicaces que ça compliquait la vie du MJ (ils résolvaient parfois ‘d’avance’, à l’intuition, des mystères que je me gardais sous le coude pour la suite et sur lesquels ils n’avaient même pas encore tous les indices)… hé bien des fois, il leur arrivait de se planter.
      Maintenant, quand tu mènes, si tu n’as pas envie que les PJ échouent jamais, tu peux effectivement les amener à « la clé du mystère » à chaque fois.
      C’est plus un vrai challenge, de fait, mais c’est pas forcément « mal » : c’est par contre une question bien plus large que celle des enquêtes (qu’on évoquait justement dans le podcast)…

      La « Toile » est un concept auquel je suis arrivé il y a 7-8 mois, lors de réflexions sur les forums Casus NO avec Humphrey B, pour mettre à plat mes réflexions d’alors sur la structure des scénars d’enquête. C’est plutôt destiné à la publication qu’à mon propre usage : pour les scénars que je mène moi-même, je peux concevoir ce genre de schéma (et éventuellement tracer ça sur un coinde page) sans avoir à le faire au propre.
      Mais, en l’occurrence, je l’avais tracée pour un scénar publié dans CB#18 (donc ‘ça vient de sortir’), sauf que sa structure s’est révélée à la fois tellement bizarre et, à l’écriture, tellement simple à expliquer qu’on en avait plus vraiment besoin, alors il a sauté pour faire de la place à une jolie illu de Vincent Laïk. 🙂
      Mais je compte bien m’en resservir dans de futures publi, oui.

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